L’amphithéâtre Flavien
ou Colisée ou Coliseum (il semble que dans les temps anciens les Romaines l’appelaient Amphitheatrum Caesareum ou, en grec, Théâtre de Chasse), a été bâti par les empereurs Vespasien, Titus et Domitien et il servait de cadeau pour les citoyens romains. Sa construction commence entre 71-72 et s’acheve en 80 après JC. à l’endroit où le précédent empereur Néron (37-68 après JC) avait sa résidence, la Domus Aurea. (Cliquez ici pour voir ce qu’il y avait avant Néron).
La ville avait besoin d’un nouvel amphithéâtre, car celui qui avait été construit par Statilius Taurus en 29 avant JC avec une structure (partiellement) en pierre, était désormais insuffisant. L’empereur Caligula (12-41 après JC) avait commencé les travaux pour un nouvel amphithéâtre, mais Claudius (10-54 après JC) les avait arrêtés quand il était arrivé au pouvoir. Néron aussi refusait d’utiliser l’ancien bâtiment de Statilius et préférait avoir son propre amphithéâtre bâti au Campus Martis. Selon les historiens c’était un magnifique bâtiment mais il a été probablement détruit lors du grand incendie de 64.
La mort de Néron en l’an 68 marque la fin de la dynastie Julio-Claudienne et l’arrivé au pouvoir de la dynastie des Flaviens. Titus Flavius Vespasien est reconnu comme empereur par le Sénat en 69, et veut faire un geste politique pour réconcilier les citoyens romains avec la nouvelle dynastie. Donc, il rend aux Romains la plupart des terres que Néron avait occupé au centre de la ville et il fait bâtir l’amphithéâtre – un édifice public – exactement là où avant il y avait un immense bassin artificiel, dans le parc de l’ancienne résidence impériale.
Il a fallu environ dix ans pour bâtir l’amphithéâtre. Vespasien avait commencé les travaux en l’an 72 mais c’est son fils Titus (c’est lui la statue souriante ci-dessus) qui l’inaugure en l’an 80 avec des spectacles extraordinaires qui durent cent jours. Il est généralement admis que le bâtiment a été achevé par l’empereur suivant, Domitien, le frère de Titus, qui fait construire les hypogées, la zone sous le plancher de l’arène, où les spectacles étaient préparés et qui peuvent désormais être visités (Cliquez ici pour une description de ma visite à l’hypogée).
L’amphithéâtre, qui est une invention romaine, accueillait des spectacles qu’aujourd’hui on condamnerait : les plus populaires étaient les venationes (chasses) et les munera (combats de gladiateurs). La classe dirigeante romaine était obligée, par la loi et par les attentes du peuple, d’organiser ces spectacles pour gagner la faveur des citoyens. L’organisation des jeux, qui impliquait de grandes dépenses, était devenue un sujet d’intérêt public et était régie par de nombreuses lois.
À Rome toute la zone autour de l’amphithéâtre était consacrée aux spectacles : à proximité du Colisée, Domitien avait construit quatre ludi, qui ètaient des écoles/prisons/casernes où les gladiateurs étaient entraînés. Les bestiarii et les venatores, qui combattaient contre des bêtes sauvages ou prenaient part à une venatio dans l’arène, étaient formés chez le Ludus Matutinus, ainsi appelé parce que ce genre de spectacles avaient lieu dans la matinée. Puis il y avait le Ludus Gallicus, le Ludus Dacicus et le Ludus Magnus.
Le Colisée a été utilisé pendant près de cinq siècles au cours desquels il a été profondément modifié, réparé et restauré. Plusieurs fois l’amphithéâtre a été endommagé par le feu. Bien que la structure principale ait été construite en pierre, beaucoup d’éléments étaient en bois (les structures dans les souterrains, le plancher de l’arène, les mâts du velarium, les terrasses et les toits de l’étage supérieur) et ils ont alimenté l’incendie qui à son tour à gravement endommagé la pierre.
Les premières réparations ont été faites probablement sous l’empereur Antonin le Pieux (86-161), comme le prouve un chapiteau corinthien d’une colonne de cet époque trouvé par les archéologues, après un incendie qui avait détruit à Rome 350 maisons.
Importantes réparations, en effets une reconstruction presque complète, ont été effectuées après l’an 217 AD, l’année au cours de laquelle l’étage supérieur est frappé par la foudre et prend feu. Des brandons tombent dans l’arène et provoquent l’effondrement du plancher en bois : les flammes atteignent d’abord les structures en bois des hypogées et enfin le reste de l’édifice.
Les sept sociétés de Vigiles (pompiers) de la ville tout comme les marins du castrum Misenatium, qui manœuvraient normalement le velarium, sont convoquées mais en vain. Le Colisée devient un énorme brasero qui ne cesse de brûler qu’après avoir terminé tout le carburant. Presque rien ne reste du monument Flavien, et pendant cinq ans les spectacles ont lieu ailleurs, au cirque.
Il faut plus de trente ans pour reconstruire l’amphithéâtre. Les travaux commencent sous l’empereur Marc Aurèle Auguste, connu sous le nom d’Héliogabale (203-222) mais le bâtiment – encore inachevé – n’est rouvert et dédié aux dieux qu’en 222 par Sévère Alexandre, qui ordonne de destiner les impôts payés par les proxénètes, les prostituées et les homosexuels à la réparation des bâtiments publics, parmi lesquels il y a aussi l’amphithéâtre.
En effets, les réparations n’achèvent qu’en 240 sous Gordien III (voir la pièce de monnaie frappée pour l’occasion). Le célèbre archéologue Rodolfo Lanciani critique sévèrement ces réparations : « il a été rapiécé avec les pierres les plus différentes, tambours de colonnes, entablements recueillis en vrac des parties endommagées ou même d’autres bâtiments de la ville. Toute cette partie a été construite d’une manière hâtive et approximative: joints inégaux des blocs, piliers irréguliers et disposés à des distances différentes. »
Gordien veut célébrer à Rome le triomphe somptueux de sa victoire dans la guerre contre les Perses, et à cet fin il rassemble 32 éléphants, 10 élans, 10 tigres, 60 lions, 30 léopards, 10 hyènes, 1000 couples de gladiateurs des jeux impériaux, 6 hippopotames, 1 rhinocéros, 10 ours, 10 girafes, 20 ânes sauvages asiatiques, 40 chevaux sauvages et beaucoup d’autres animaux.
Malheureusement il meurt en Perse dans des circonstances mystérieuses. Des sources persanes affirment qu’au début de 244 Gordien combat une bataille près de la moderne Fallujah (Irak), qui se termine avec une lourde défaite romaine et sa mort. Des sources romaines, au contraire, ne mentionnent pas cette bataille et suggèrent que Gordien est décédé ailleurs, plus en amont le long de l’Euphrate.
Philippus (Philippe l’Arabe), élu empereur après Gordien, arrive à Rome et utilise tous les animaux susmentionnés, qui sont d’abord exposés et puis tués à l’occasion des spectacles organisés pour le millénaire de la ville: 21 Avril 248.
L’amphithéâtre est à nouveau endommagé – selon certaines sources – sous le règne de Dèce (201-251) ou de Trebonianus Gallus (206-253). La persécution de Decius contre les chrétiens est violente et parmi ses victimes on rappelle l’évêque de Rome, Fabianus, et les futurs saints Ireneus, Abundius et Policronius. Deux subregoli (vassaux perses), Abdon et Sennen, sont tués dans l’arène et leurs corps abandonnés entre le Colisée et la Meta Sudans. À cet endroit une petite église, qui leurs a été dédiée, a été ensuite construite au Vème siècle; cette église était encore là au XVème siècle.
En 262, sous le règne de Gallien (218-268) un violent tremblement de terre dévaste la Méditerranée orientale; Rome est frappée d’une façon tellement grave que l’année suivante une épidémie de peste se propage dans la ville.
En 312 le Sénat dédie à l’empereur Constantin l’arc de triomphe qu’on peut encore admirer près du Colisée, et remplace le visage du Colosse avec celui du nouvel empereur. La tête en marbre de Constantin est retrouvée au cours du XVI siècle entre le piédestal de la statue du Colosse et la Meta Sudans et il est maintenant aux musées du Capitole. En 320 l’amphithéâtre est à nouveau frappé par la foudre, mais il n’est pas lourdement endommagé. A partir de cette date, aucun incendie est signalé, mais il y a par contre de nombreux tremblements de terre.
En 357 l’empereur Constance II (317-361) visite Rome et il est très impressionné par l’amphithéâtre. La même année l’historien Ammien Marcellinus le décrit comme en excellent état.
En ce qui concerne l’élimination des jeux des gladiateurs, que les chrétiens haïssent, Lanciani écrit: « En 325, l’année du concile de Nicée, Constantin adresse à Maximus, Praefectus Urbis, sa Constitution, qui interdit les carnages humains, mais sans effets. Constantius et Julien en 357 et Arcadius et Honorius en 397 renouvellent l’interdiction avec les mêmes résultats. On remarque seulement une humanisation des combats des gladiateurs qui à cette époque, entre autres, sont parfois protégés par les empereurs eux-mêmes. En 365-67, Valentinien et ses collègues dédient une statue à un champion de nom Philumenos ; Théodose fait la même chose en 384-92 pour célébrer les exploits d’un athlète nommé Johannes (un chrétien ou un Juif). Mais la vieille passion du peuple pour ces spectacles cruels est difficile à mourir. La célèbre mosaïque qui représente les editiones gladiatoriae des Symmachi remonte au milieu du IVème siècle, comme la grande scène de combat de Torre Nuova ».
Le dernier combat de gladiateurs a lieu en 404, après que les empereurs chrétiens Théodose (de l’Empire d’Orient) et Gratien (de l’Empire d’Occident) interdissent le paganisme et commencent la persécution de ses adeptes. Les fêtes païennes sont supprimées, le temple de Vesta détruit, les Vestales dissoutes, auspices et sacrifices considérés comme de la sorcellerie et punis. Donc, il est à cette époque que les traditions les plus anciennes et les coutumes de Rome antique cessent d’exister. En outre, à partir de cette époque, on n’a plus d’informations littéraires sur le Colisée, et les seules sources sont les textes des inscriptions sur les dalles de pierre.
De 408 à 410 la ville est assiégée par Alaric (370-410), roi des Wisigoths, qui entrent dans la ville et pillent Rome pendant trois jours. Pendant la guerre wisigothe, l’amphithéâtre est complètement abandonné et ses environs devient un lieu de sépulture, car les sièges empêchent les Romains d’enterrer les morts à l’extérieur des murs, tel que prescrit par la loi. Après la guerre, ces cimetières sont «bonifiés» en les enterrant sous 2 mètres de terre, et l’un d’eux n’est redécouvert qu’en 1895.
89 lieux de sépulture, datant de Dioclétien à Théodoric (IVème-VIème siècle), ont été trouvés dans la vallée du Colisée, principalement dans le secteur NE. 63 sépultures ont été trouvées dans et autour de l’amphithéâtre, mais seulement 56 ont été cartographiées. Ces 56 se concentrent en 3 endroits différents : le 15 sur le côté orientale et les 18 sur le côté nord sont hors du pavé en travertin autour de l’amphithéâtre qui était encore utilisé.
Le troisième groupe de 23 tombes (du VI siècle) a été trouvé à l’intérieur du portique nord. Donc, on conclut que pendant le Vème siècle, la région a été abandonnée, mais l’amphithéâtre continuait d’être utilisé; plus tard, au cours du VIème siècle, l’amphithéâtre cesse d’être utiliséet devient un cimetière.
Le trauma du sac de Rome par les Wisigoths conduit presque la moitié de la population à quitter la ville. A la fin du IVème siècle Rome compte encore entre un demi-million et un million d’habitants, mais après le choc de l’invasion leur nombre s’est réduit de la moitié. Les sacs suivants diminuent encore plus la population et à la fin du Vème siècle/début du VIème, il y a seulement environ 100.000 romains dans la ville.
Pendant le sac des Wisigoths les canalisations de l’amphithéâtre se sont probablement obstruées et les eaux ont inondé d’abord les hypogées et ruiné ensuite une partie de la terrasse supérieure qui s’est effondrée dans la cavea. Il explique pourquoi il a été réparé à nouveau entre 417 et 423 par le Praefectus Urbi Iunius Valerius Bellicius, probablement avec le Praefectus Urbi Rufius Cecina Felix Lampadius, qui est mentionné dans une inscription. Comment savons-nous tout cela? C’est une histoire très intéressante.
Entre 425 et 450, probablement après le tremblement de terre de 443, Lampadius effectue beaucoup de travaux de restauration de l’arène, du podium et des terrasses, à ses propres frais, comme il l’a fait inscrire sur le marbre.
Cette inscription particulière est aussi importante parce qu’elle a été sculptée sur une dalle qui avait une ancienne inscription avec des lettres de bronze. On a découvert que les lettres de bronze commémoraient l’inauguration du « premier » amphithéâtre de Vespasien et confirmaient que le Colisée avait été construit avec le butin de guerre, c’est à dire avec le butin de la guerre juive et du sac du Temple de Jérusalem.
Après les petits tremblements de terre de 429 et 443, un autre particulièrement intense dévaste Rome en 470, et entre les deux, en 455, la ville est à nouveau pillée, cette fois pendant quinze jours, par les Vandales de Genséric.
Une autre inscription commémore les réparations effectuées par le patricien Messius Phoebus Severus en 470, mais les derniers travaux de restauration mentionnés sont ceux payés en 484 ou 508 par le Praefectus Urbi Decius Marius Venantius Basilius après un tremblement de terre. Voir le texte ici.
Le problème est qu’il y a eu différents sénateurs et consuls connu sous ce nom au cours des années et rien ne prouve qu’il y a eu un tremblement de terre à cette époque donc on identifie Venantius Basiluis avec le consul de l’an 484 même si certains pensent que l’inscription remonte au temps de Théodoric (454-526).
En tout cas, d’autres travaux ont été effectués dans l’amphithéâtre: au cours du VIème siècle le plancher de l’arène est à nouveau soulevé, comme indiqué par les fragments d’une inscription trouvée dans l’amphithéâtre (et aussi par la découverte, pendat le XIXème, siècle de l’ancien plancher). Cette dernière inscription commémore les œuvres réalisées par Atanasius, un sénateur de l’époque qui a vecu après la chute de l’Empire d’Occident.
La dernière venatio a lieu en 523. Peu à peu le goût du public avait changé, mais la principale raison de la fin des jeux a été la crise financière et militaire dans la partie occidentale de l’empire, ainsi que les nombreuses invasions de l’Italie. Personne ne pouvait plus supporter les colossales dépenses nécessaires pour organiser les spectacles, ce qui rendait obsolète la fonction du bâtiment. Des venationes ont eu lieu peut-être jusqu’à la fin du VIIème siècle (Gentili), mais dans les siècles VIème-IXème l’amphithéâtre a été complètement abandonné.
Au Moyen Âge, des maisons, églises, écuries et entrepôts sont bâtis dans le Colisée qui devient une forteresse/résidence pour les barons de Rome. Paradoxalement, sa destruction est accélérée au cours de la Renaissance. D’un coté il était admiré comme une œuvre architecturale exceptionnelle, de l’autre a été exploité comme carrière de matériaux pour la construction de nombreux bâtiments dans la ville des Papes. Enfin, au début de 1800, des nouveaux travaux de restauration commencent.
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La principale source de cette page est : Il Colosseo – AA. VV. – A cura di Ada Gabucci, Electa, Milan 1999