Une des façons de s’amuser en public, introduite par les Romains, fut l’organisation de tueries dans l’amphithéâtre. La diffusion de ses spectacles de gladiateurs et de chasses n’est connue que par les inscriptions avec leurs reliefs (Charles Saraman, L’Histoire et ses méthodes, 1961, p. 470).
Les venationes
étaient des représentations de chasse aux animaux, sauvages ou non, qui étaient exterminés dans l’amphithéâtre par des flèches, des piques et tout autre moyen.
Au début, les spectacles avaient lieu généralment le matin, une sorte d’introduction et de complément aux combats de gladiateurs, qui débutaient l’après-midi. En tout cas, dans la dernière période de la république, la chasse devint un spectacle en lui-même, qui débutait l’après-midi et parfois durait plusieurs jours.
Les animaux sauvages – éléphants, ours, taureaux, lions, tigres – étaient capturés dans tout l’empire, transportés vers différentes destinations et détenus dans des spéciales ménageries appelées vivaria, jusqu’au jour du spectacle. Le nombre d’animaux tués était étonnant : les historiens racontent de milliers d’animaux tués en une seule journée, à l’occasion de l’inauguration du Colisée.
Parfois, les chasses avaient lieu en d’autres endroits, comme le Forum et le Circus, ou là où il y avait un espace approprié. Certains auteurs font une distinction entre les grandes chasses spectaculaires et les chasses de la matinée, qui étaient devenues de routine et que avaient lieu au Colisée avant les combats de gladiateurs.
Dans un premier temps, les animaux étaient enchaînés, mais à partir des temps de Silla (ca. 100 BC), ils ont été laissé libres et on a du construire des barrières particulières pour la sécurité du public. Dans le Colisée le mur autour de l’arène, le podium, était de quatre mètres de haut environ, n’offrait aucune prise et était couronné par des rouleaux qui empêchaient de le franchir. En outre, pour plus de sécurité, il y avait un filet tout autour du podium et des archers prêts à frapper les animaux qui tentaient de se lancer vers les spectateurs.
Les venatores (qui étaient des esclaves, des criminels ou même des hommes libres sous contrat, et qui étaient considérées comme socialement inférieur même par rapport aux gladiateurs) recevaient un spécial entrainement dans les ludi tout comme les gladiateurs. À Rome probablement l’école principale était le Ludus Matutinus, dont le nom pourrait venir de l’habitude de donner les chasses le matin.
Les venatores étaient divisés en catégories selon le rôle qu’ils jouaient dans le spectacle. Ils ne risquaient pas leur vie comme les gladiateurs, mais il y avait toujours le péril d’être soulevé en l’air par un taureau, ou d’être dévoré par un lion, et certains combats laissaient peu de chance de survie. La preuve en est le fait qu’au temps de Néron on demandait au gladiateur qui voulait être libre de montrer tout son courage et tuer – tout seul – un éléphant.
Les animaux sauvages ne pouvaient pas entrer dans l’arène du Colisée par les entrées normales mais étaient conduits dans l’amphithéâtre juste avant le spectacle. Ils attendaient dans les salles souterraines fermés dans des cages, ensuite des poulies les hissaient jusqu’à la hauteur des cabines tout autour du podium qui correspondaient aux trappes qui s’ouvraient dans le plancher de l’aréna.
Si les bêtes refusaient d’entrer dans l’arène, le personnel préposé (magistri) utilisaient des torches pour les faire sortir. Si les animaux attaquaient les magistri pouvaient se réfugier dans des cages placées contre le mur du podium. Elément commun à toutes les venationes était la présence d’animaux.
Cela ne signifiait pas nécessairement qu’ils étaient toujours massacrés : en fait ils pouvaient également jouer d’autres rôles.
César, par exemple, a été le premier à faire arriver une girafe à Rome, au grand étonnement des citoyens ; Auguste avait exposé des animaux exotiques et étranges, envoyés à cette fin par les gouverneurs des différentes provinces.
Toutefois, pendant une chasse « normale » les animaux devaient se battre les uns contre les autres ou contre les hommes. Les experts font une distinction entre deux espèces très différentes des venationes : l’une consistait en un combat entre des hommes armés et des bêtes sauvages, et l’autre en un « spectacle » pendant lequel des condamnés à mort désarmés étaient jetés aux bêtes.
Pour garder tous ces animaux, et aussi toutes les bêtes condamnés à trouver la mort dans l’arène, il a été nécessaire de concevoir une sorte de zoo (vivarium). Le système entier – des la capture des animaux sauvages dans les provinces les plus distantes de l’empire, jusqu’à leur transport et livraison aux différents amphithéâtres – avait atteint des dimensions impressionnantes, compte tenu du grand nombre d’animaux nécessaires pour la mise en scène des spectacles. Les chasses, en particulier, étaient devenues extrêmement populaires en Afrique, où les mosaïques montrent encore les images de célèbres animaux meurtriers, à qui on avaient donné des noms comme Omicida et Crudelis.
La plupart des duels d’animaux était répétitifs : un lion contre un tigre, ou contre un taureau ou un ours. Dans certains cas les paires étaient déséquilibrées ainsi il arrivait que des chiens, ou lions, étaient lâchés contre des cerfs avec un résultat tout à fait prévisible. Aux fins de rompre avec la monotonie on recourait aux combinaisons les plus extravagantes : des hippopotames, des hyènes, des phoques contre toute espèce de félin. Nous avons des preuves de combats d’un ours contre un python, d’un lion contre un crocodile, d’un phoque contre un ours et ainsi de suite. Parfois, les animaux étaient enchaînés ensemble, ce qui limitait leurs mouvements.
Cependant beaucoup de combats consistaient en luttes d’animaux contre des venatores armés de lances. Ceux derniers protégeaient leurs bras et leurs jambes par des bandes de cuir, et parfois leur poitrine par une plaque de métal, ou portaient une armure (auquel cas ils utilisaient comme arme offensive uniquement une épée).
Les techniques de combat étaient variées: certains venatores étaient armés comme décrit ci-dessus, tandis que d’autres étaient presque nus : entre ces deux extrêmes, il y en avait de nombreux d’autres qui étaient des bons compromis. Certains combattaient à mains nues, ou par des outils spéciaux tels que la cochlea, qui était une sorte de porte tournante, derrière laquelle le venator pouvait esquiver l’attaque de la bête. Parfois, les hommes montaient sur l’un des animaux qui était opposé à l’autre.
Dans les combats contre les taureaux, comme pour les modernes corridas, les animaux étaient tourmentés par les succursores, qui les incitaient. C’était aux taurarii de combattre le taureau à pied, avec une pique ou une lance. En d’autres types de combats contre les taureaux il était nécessaire d’avoir des compétences spécifiques comme celles des célèbres peintures crétoises, ou des modernes rodéos ; les cavaliers non armés faisaient courir le taureau pour le fatiguer et puis ils lui sautaient dessus pour l’abattre en lui tordant le cou. En d’autres occasions, il y avait un élément comique: le venator jouait le rôle d’acrobate ou de clown.
Les venationes terminaient généralement par un spectacle d’animaux entraînés, comme dans les cirques d’aujourd’hui. Les animaux entraînés se produisaient en des véritables numéros : les tigres se faisaient embrasser, les lions capturaient des lièvres et les ramenaient sans les tuer; les éléphants dansaient ou marchaient sur une corde.
La popularité des chasses était énorme, car la chasse était le sport de la noblesse mais était aussi pratiquée par le peuple, et permettait aux professionnels qui y participaient de montrer tout leur courage. Cette passion, probablement due au fait que dans ces jours-là les animaux sauvages ne manquaient pas et qu’ils étaient réellement un danger dans de nombreuses régions, a perdurée en Europe jusqu’au XVIIIe siècle, et la chasse au renard, qui est encore une des caractéristiques de la noblesse britannique, n’est qu’un vague souvenir.
On connait le nom de certains venatores car ils étaient devenus tellement célèbres que leurs noms avaient été inscrits dans des mosaïques ou des graffiti. Qui sait si la gloire des héros du football d’aujourd’hui survivra-t-elle pendant des siècles ?